Des jeunes filles qui rentrent dans l’âge adulte, un territoire stigmatisé, le stade du Vélodrome d’Aulnay-sous-Bois, une passion pour le football et…une pandémie. Voilà pour un aspect du décor de ce projet photographique qui m’a amenée à sillonner le 93 et la région parisienne dans le cadre de ma résidence pour l’Ecole d’Art d’Aulnay-sous-Bois. Et puis ce fut une aventure faite de rencontres réconfortantes, de découvertes enthousiasmantes, de sourires et d’attention. Ce fut une belle expérience qui me permit aussi d’approfondir mon travail de photographe documentaire en m’ouvrant vers de nouveaux horizons.  

A première vue, le football et la photographie n’ont de commun que le mouvement : l’un l’exerce, l’autre le capture. Pourtant, les deux transmettent des émotions, et nous permettent d’en apprendre plus sur la « condition humaine » pour reprendre les mots de la photographe Sabine Weiss. Mon intérêt pour le football s’explique par son universalité mais aussi par les fenêtres de vies qu’il ouvre. Malgré le succès de la dernière coupe du monde féminine, les terrains restent majoritairement masculins : c’est un sport où les femmes doivent se faire une place et prouver ce qu’elles valent. A l’image d’un miroir réfléchissant les expériences des jeunes filles de banlieue. Pour elles, le sport est aussi une échappatoire à des réalités quotidiennes souvent complexes. Le temps d’un entraînement ou d’un match, les problèmes s’arrêtent aux vestiaires, les différences s’effacent pour laisser place au dépassement de soi et à l’exploit sportif.  Pendant les 18 mois passés avec le CSL Aulnay-Sous-Bois, j’ai appris à connaitre les joueuses et me faire accepter par un collectif en évolution constante au gré des matchs, des blessures, des victoires ou des défaites…

Après un certain temps, j’ai pu rencontrer les joueuses hors du terrain. Certaines m’ont ouvert leur porte et j’ai découvert des situations souvent difficiles. Je pense à cette jeune joueuse qui vit à l’hôtel depuis 2 ans avec sa famille. Le football représente pour elle le rêve de sortir sa famille de cette situation.
C’est grâce à la confiance qu’elles m’ont accordée que j’ai pu capturer ces instants uniques de vie et immortaliser la puissance du collectif dans la construction humaine de ces jeunes adultes. A l’issue de ma résidence, j’ai essayé, comme a pu l’écrire Susan Sontag, « d’appliquer [ma] sensibilité, [mon] intuition, à trouver ce qu’il y a au-delà des images photographiques, ce que doit être la réalité, si c’est à cela qu’elle ressemble. »

J’espère y être parvenue ou, à tout le moins, m’en être approchée le plus possible.




Amélie Debray