À l’occasion de ce troisième projet avec Villepinte et alors que le spectre de la pandémie s’éloigne peu à peu, j’ai continué à explorer la ville à travers ces habitants qui ont soudainement occupé le devant de la scène à partir du mois de mars 2020.

Premières Lignes, c’est avant tout un témoignage sur un chapitre singulier, où le travail de certains a permis à tant d’autres de tenir.

Aide-soignante, postier, infirmière, professeur des écoles, conducteur de bus, Atsem, sapeurs-pompiers, dentiste, gardiens, boulanger, tous on participé à l’effort collectif dans cette période tumultueuse.

Au détour de chacun de ces portraits, ce n’est pas seulement l’individuel qui transparaît mais aussi l’universel, à travers la lutte et la solidarité de ces hommes et ces femmes. Il ne me fut pas toujours simple de trouver des volontaires pour le projet, tant celui-ci convoque le souvenir compliqué de cette période de la pandémie, mais petit à petit, j’ai réussi à engager le dialogue avec ces acteurs de terrain et je l’espère à créer une confiance réciproque.

Après avoir été mis au premier plan, applaudis, félicités et héroïsés, ces femmes et ces hommes sont retournés dans l’anonymat à mesure que le covid se banalisait dans les esprits.

Ce projet est donc l’occasion de rendre à nouveau hommage à ces métiers, souvent difficiles, qui dans ces circonstances ont été reconnus comme « vitaux » aux yeux de tous. Premières lignes, c’est aussi le fruit d’une réflexion culturelle et artistique qui m’a amenée à faire un saut temporel en utilisant une technique photographique intemporelle, la chambre argentique, médium par excellence.

Une opportunité de mettre en perspective l’histoire de la photographie avec cette période qui marquera le XXIème siècle, mais aussi de faire dialoguer des parcours intimes face à un combat collectif.

Je suis fascinée par les possibilités qu’offre la photographie, ce médium capturant des fragments de réalité. Comme le portraitiste allemand August Sander, je pourrais classer cette série dans un portfolio que j’intitulerais “Les métiers essentiels”.

Les visages de Nadine, Hamza, Ruth, Olivier et tous les autres sont les témoins d’une époque où la mondialisation débridée s’est figée et les esquisses d’un monde d’après cherchent encore à se dessiner. Leur témoignage oral ajoute une touche d’humanité à ces photographies grand format.

Ce troisième projet Villepintois n’est donc pas une oeuvre fermée, mais au contraire une fenêtre sur l’engagement individuel et collectif, et une invitation à repenser la place de chacun dans nos sociétés.

Amélie Debray