Comment naît une idée ? Comment se dessinent les contours d’une aventure artistique et humaine ? Des rencontres bien sûr. De la chance et un peu de hasard certainement. Une envie enfouie qui ressurgit et éclaire l’alignement des planètes jusque-là invisible.

Le bon moment, les bonnes personnes, le désir et l’inconnu.  Parmi les bonnes personnes il y a celle qui imagina le projet et le porta avec entrain de bout en bout*.    

L’idée n’a pas besoin d’être parfaitement originale. Elle n’a pas besoin du label « jamais vue « ou « pour la première fois ». L’idée est simple et elle convoque ce que j’aime faire et partager : construire des images photographiques. Dans le cas présent les photographies sont inspirées des tableaux de peinture glanés à la médiathèque de Villepinte. Et d’une idée

L’idée chemine. La pensée hésite, tâtonne, s’enrichit au contact d’autres personnes, s’inquiète le jour et se rêve la nuit. Peu à peu, le projet « pâte à modeler » trouve sa forme, sa cohérence, son dispositif lit-on trop souvent. Je me suis souvenue des phrases grinçantes de Baudelaire qui ne voulait voir la photographie que comme « la servante idéale de la peinture ». L’idée poursuit son chemin et interroge les soi-disant amours ancillaires qui lient la photographie à la peinture. Et si nécessaire, je ferai appel à André Malraux qui, lui plus que quiconque, a brillamment souligné l’importance de la photographie pour l’expérience du regard et l’édification de son musée imaginaire : « La photo substitue souvent l’œuvre significative au chef d’œuvre traditionnel, le plaisir de connaître à celui d’admirer ».

J’ai tout misé sur le plaisir de connaître.

Au-delà de la simple reproduction, je voulais embarquer mes modèles dans un processus de re-création dont je pressentais qu’il serait aussi riche que risqué. J’ai identifié quelques gros écueils, j’espère les avoir évités. Je me promettais ainsi de pas sombrer dans le jeu des 7 différences. J’acceptais en revanche d’accueillir le simulacre lorsqu’il serait taquin comme le laisse supposer « notre » Saint Joseph Charpentier. Il faudrait laisser pénétrer les possibles pas-de-côté désopilants ou réjouissants à l’instar de la reconstitution d’une scène de vaccination. Le théâtre a su s’inviter et la mise en scène a guidé mes prises de vue. Les tableaux ont été choisis avec chaque famille avant que la composition, fruit d’un patient dialogue souvent sobre et mesuré, embrasse l’espace domestique. La photographie a cela de magique qu’elle propose un dépassement de l’œuvre d’art. Il y a, il me semble, un peu de cette magie lorsque la lumière de fin de journée au Brésil adoucit les visages des membres de la famille Nguyen à Aulnay.

J’aime voir dans chacune des compositions, co-construites dirait-on, les prémices d’une narration intime et fictionnelle. Des parcours singuliers au sein d’une humanité riche et variée, des histoires personnelles qui, le temps d’une image, sortent du cadre et s’évadent.

Ce sera notre modeste contribution à la construction d’un musée imaginaire en perpétuelle recréation.


Amélie Debray


*Angélique Victor Directrice politique de la ville - Démarches quartiers